Il était tard, Hildegarde
s’était barrée, j’avais pas envie de dormir, j’avais pas plus envie de me
mettre à rédiger ce putain d’article pour la putain de revue de Belami. Et
puis, qu’est-ce que j’allais bien pouvoir raconter sur ces connards de motards
tatoués ? Allez, un petit coup de Berlioz, ça peut pas faire trop de mal, La Damnation de Faust, surtout le
deuxième acte. Je me suis resservi un Cointreau. J’étais tranquille, calme,
peinard, détendu, la queue rassasiée, tout allait bien. Ça pouvait pas durer,
sûr. Le téléphone, Hrosvitha. Et merde ! Et en colère, en plus !
- Ah, tu peux être fier de
toi !
- Viens pas me faire chier
avec tes conneries, pas maintenant. Écoute, j’étais dans un de ces moments où
l’humanité me paraissait presque supportable, et il faut que tu viennes
m’emmerder avec tes histoires.
- Et quelles histoires, s’il
te plaît ?
- Je sais pas, des
histoires, tes histoires.
- T’es un salaud, un beau
salaud, un vrai salaud.
- Moi ?
- Tu crois que je sais
rien ?
- De quoi ?
- De ta petite salope ?
- Isalope, s’il te
plaît !
- Alors, tu crois que je
sais rien, des amis bien intentionnés se sont empressés de me raconter la
soirée chez Toni.
- Et alors ?
- Et alors ! Tu me
prends pour une conne. T’es pas parti avec elle, peut-être ?
Vraiment ! Une gamine, vingt ans tout au plus ! T’es rien qu’un
salaud !
- Écoute, pourquoi tu te
mets dans des états pareils ? Elle se sentait mal, je lui ai simplement
proposé de la raccompagner chez elle, voilà tout.
- Et menteur par-dessus le
marché ! Tu sais pas mentir, t’as jamais su mentir !
- Tu m’emmerdes à la fin, on
est pas mariés que je sache, je t’ai jamais rien promis, non ?
- Oh, pour ça non, tu promets
jamais rien, rien, à personne !
- Allez !
- Non, fiche-moi la paix,
une gamine !, et elle sait sucer ?
- Voyons, calme-toi !
- Me dis pas comment je dois
être ni ce que je dois faire, t’es qu’un salaud, et quand tu me baises, c’est
quoi, hein !, c’est quoi, dis !, de la compassion ?
- Si tu commences avec tes
délires cathos, c’est moi qui raccroche, d’ac’ ?
Dès que je haussais le ton
avec Hrosvitha, elle baissait immédiatement le sien. Elle m’aimait, d’ac’, mais
en plus elle était jalouse. La peste sur un plateau d’argent !
L’entretien téléphonique était on ne peut plus désagréable, et pour tout dire,
me faisait singulièrement chier. Enfin, quoi !, elle aurait pas pu me
foutre la paix, attendre le lendemain et me laisser tranquillement avec
Berlioz ? Non, fallait toujours qu’elle rapplique quand personne l’avait
sonnée, et en colère en plus ! Bordel de dieu ! À la fin, je me
limiterai aux putes, avec elles, au moins, c’est clair, rapide et clair, sans
problèmes quoi, comme ça devrait être dans la vie ! Mais non, fallait
toujours qu’il y ait de l’amour, des sentiments, des trucs qui font chier, mais
chier !
- J’arrive.
Et avant que j’aie pu en placer une, elle avait raccroché. Et merde ! Elle allait rappliquer, elle pleurerait, il faudrait que je la console, que je lui assure que l’autre n’était rien qu’une petite grue sans importance qui m’avait réjouit l’extrémité bitale (c’était une blague qui faisait toujours se fendre la trogne de mon pote Néné !) et rien de plus. Il faudrait toujours se choisir les femmes en fonction aussi du lieu où elles habitent, établir un nombre de kilomètres suffisant, une distance prudente, par exemple pour se donner le temps de déguerpir, surtout quand elles ont décidé de venir vous faire chier ! Hrosvitha vivait à deux minutes trente de chez moi. Grossière erreur de ma part ! Deux minutes et demie plus tard, elle sonnait. Elle sonne. Elle entre. Elle chante.
- Alors, elle t’a sucé,
c’est ça !, comment elle a fait ?, hein !, comment ?,
explique-moi !
- Mais comme tout le monde,
on ouvre la bouche, on bouge la langue, de haut en bas, comme une glace ou une
sucette.
- Salaud, et en plus tu sais
même pas raconter !
- Qu’est-ce que tu veux que
je te dise ? Elle m’a sucé, un point c’est tout.
- Comme ça ?
À ce moment-là, elle a ouvert
ma braguette, a légèrement baissé mon pantalon, elle a sorti ma queue de son
endormissement douillet et s’est mise à me sucer avec une frénésie ! Elle
pompait comme une démente, et moi, conciliant, je la laissais faire, certain
qu’elle allait se fatiguer en constatant qu’il n’y avait rien à tirer de cette
excroissance rachitique et penaude qui ne demandait qu’à retourner d’où on
l’avait sortie. Mais non, Hrosvitha continuait à pomper, et lorsqu’elle
reprenait sa respiration, c’était pour s’adresser à ma queue et lui dire :
Alors comme ça, t’aimes qu’on te suce, alors prends ça, tu vas voir ce que tu
vas voir ! Le deuxième acte de La
Damnation de Faust était terminé et je n’avais pas pu écouter la dernière
scène. Et merde ! Et l’autre qui pompait, qui continuait à pomper comme si
sa putain de vie dépendait de ce pompage ! Au moment où j’ai cru qu’elle
allait laisser tomber, j’ai senti que ma queue réagissait, qu’elle se gonflait
peu à peu, l’isalope !, et proposait même à la bouche aspirante une
bandaison plus qu’honorable. Qu’à cela ne tienne, qu’elle me suce, dommage
quand même que je ne puisse pas attraper la commande du lecteur pour remettre
Berlioz, oui, vraiment dommage ! Allez, pompe, oui, comme ça ! Et
elle soufflait la garce, elle s’appliquait, et en haut et en bas, et la langue,
et les couilles, et des petits Salope ! de temps à autres. Ça tardait
quand même à venir. Elle y a mis la main, elle m’a attrapé la queue et s’est
mise à me branler avec une vigueur presque furieuse : Allez, jouis,
salope ! qu’elle disait en regardant l’extrémité rougir sous la pression
et la violence du mouvement de son poignet. Et puis tout à coup c’est sorti,
elle avait pas fait attention, c’est venu se loger en plein dans son œil droit,
un monocle dégoulinant, une conjonctivite inquiétante ! Elle a alors
attrapé le tout d’un geste décidé et s’est léché les doigts, tout en me
disant : Et elle fait ça, ta pouffiasse, hein, elle fait ça ? Non, ma
pouffiasse ne faisait ça, mais il valait mieux se taire. C’était trop pour une
seule queue en si peu de temps. Hrosvitha s’était calmée : Tu pourrais au
moins m’offrir un verre ! qu’elle m’a dit. D’ac’, un verre, et un autre
pour moi.
- Pourquoi tu me fais ça,
hein ?
- Mais je ne TE fais rien,
absolument rien.
- Tu aimes me faire souffrir ?
- Mais non, voyons, bien sûr
que non !
- Alors, pourquoi tu ne
m’aimes pas, hein, pourquoi ?
- Mais si je t’aime, bien
sûr que je t’aime.
- Non, tu ne m’aimes pas, tu
m’utilises quand tu n’as personne d’autre, quand tu es seul, quand tu veux baiser,
et c’est tout !
Je pensais que c’était déjà
pas si mal, et qu’elle aurait tout à fait pu s’en contenter, mais non, les
sentiments, toujours les putain de sentiments ! J’avais pas envie de
discuter, j’avais mal aux couilles et envie de m’endormir en écoutant la
dernière scène de La Damnation de Faust.
Reste dormir avec moi, si tu veux, que je lui ai dit. Elle a accepté, j’ai mis
le disque en route et au bout de cinq minutes j’étais parti, je dormais,
enfin...
Le lendemain matin, elle me
réveilla en me suçant doucement la queue. Lorsque j’ouvris les yeux, je vis un
plateau avec croissants et jus de fruit
sur la table de nuit. Elle me demanda si ça allait et si je ne lui en voulais
pas trop pour la scène de la veille. Je lui répondis que c’était déjà oublié
mais que, à l’avenir, je préférerais qu’elle prenne ce genre de chose avec un
peu plus de légèreté. Je t’aime tellement, espèce de voyou ! qu’elle me
murmura dans un baiser qu’elle déposa délicatement dans le creux de mon
oreille. Allez, je pars travailler ! On se téléphone ? D’ac’, on se
téléphone.
Bon, allez, l’orage était
passé, une petite douche, un tour aux chiottes et au boulot, fallait quand même
que je le lui fasse, à Belami, son article sur les dingues en Harley !
Mais par où commencer ? J’avais aussi un peu mal à la queue, normal,
j’avais le capuchon d’un rouge violacé. Aujourd’hui, repos, camarade, tu ne
feras que pisser !
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