La revue de Belami était
vendue chaque semaine à deux cents cinquante mille exemplaires et proposait, en
plus des programmes télé détaillés, des articles sur des sujets de société, la vie des connards starisés du moment, des mots
croisés, des recettes de cuisine et des conseils
beauté. Il me payait bien, c’était pour ça que je ne pouvais pas l’envoyer
se faire foutre à chaque fois qu’il me suggérait
des articles bidons. Il disposait de toute une batterie de psychosociologues
qui lui indiquaient les tendances du
jour, à vrai dire, il ne jurait que par eux, et ce qu’ils disaient ne pouvait
être ni critiqué, ni remis en cause. Alors, ceux qui, comme moi, vivaient en
grande partie de Belami, adoptaient un profil bas et lui pondaient des articles
destinés à parfaire la culture de son
lectorat. Un article de fond tous les quinze jours, c’était
pas la mort ! Y avait même des fois où il nous offrait un petit voyage
afin d’aller s’informer sur place. On se barrait à deux, avec un photographe,
on s’en mettait plein la panse, on baisait tout ce qu’on pouvait attraper et on
revenait. Trois jours après, il avait son joli article de huit ou dix pages
avec photos, flambant neuf. Belami était content, nous aussi.
Belami avait deux grands
défauts : une femme frigide et son rendez-vous dominical, à dix heures
trente, pour assister à la messe. Pour le premier, j’avais pu vérifier que la
frigidité de sa femme n’était que l’incapacité de Belami à lui donner envie de
ne plus l’être. Pour le second, qu’il fallait, malheureusement pour lui, mettre
en relation directe avec le premier, je ne pouvais rien. C’était pas un mauvais
bougre, mais l’orientation de sa revue hebdomadaire côté rombières et
culs-bénits donnait la gerbe. Surtout pas de gros mots, hein, Monluc, surtout
pas de gros mots ! qu’il m’assénait à tout bout de champ. Non, mon
pote, les gros mots, je les garde pour ta femme, la prochaine fois que je la
sauterai !
Belami était une sorte de
moraliste qui n’utilisait les gros mots que lorsqu’il parlait avec moi. Que sa
femme se trouve là au moment où nous avions une conversation téléphonique et
ses yeux roulaient de ses fureurs à faire implorer le pardon au pécheur le plus
corrompu. C’est la raison pour laquelle on ne se parlait généralement que tard
le soir, lorsqu’il savait que sa femme était en train de roupiller, un masque de
beauté sur la tronche, des bigoudis dans les cheveux et la chatte en berne.
Elle était pas si mal que ça, sa femme (et je sais de quoi je parle !),
mais son allure de Sainte Nitouche, ses jupes droites, sa démarche de geisha,
lui donnaient un air de mal baisée, de pas baisée ou d’imbaisable à faire fuir
le plus nécessiteux des nécessiteux. Belami avait quand même un autre
problème : sa femme détenait quatre-vingts pour cent des parts de la revue
et lui, il n’en était que le directeur exécutif. Ça le rendait malade, et y
avait de quoi, rien n’était écrit ni publié sans le consentement de sa frigide
(pour lui, le con !). Moi, je m’étais demandé plusieurs fois pourquoi ils
continuaient à me faire bosser pour eux. J’ai un pote qui avait essayé un jour de
m’expliquer la théorie des ensembles. J’avais rien pigé, sauf une chose :
un système a besoin d’un élément perturbateur pour pouvoir continuer à
fonctionner. Bon. L’élément perturbateur, c’était moi, et voilà. Et pourquoi un
article sur ces trous du cul de motards qui croyaient que le vent dans leur
crinière crasseuse valait un shampoing ? Ben, justement ça, l’élément
perturbateur. Il fallait que les lecteurs (lectrices pour la grande majorité
d’entre eux) puissent prendre la mesure du danger, du mal. Je participais donc,
un peu à mon insu, à la chiennerie moralisante de la revue et donnais à ces
pisse-froid de grenouilles de bénitier le frisson, après ça, elles savaient où
c’était bien et où c’était mal. Bordel de dieu, j’en ai écrit des articles sur
les prisons, la prostitution, la drogue, l’alcoolisme, la violence domestique,
le viol, les sectes, l’homosexualité, etc., etc. et etc. ! Je suis
incollable sur tous ces sujets, j’ai chez moi des tonnes d’informations, des
dossiers, des revues de presse, des publications en tout genre... Mais bon,
c’est mon boulot, je le fais comme on veut que je le fasse, un point c’est
tout. Des temps meilleurs viendront, sûr !
Sacré Belami, Pas de gros
mots, hein, surtout pas de gros mots ! Que nenni ! Sacré Belami
et sa frigide, elle est bonne celle-là, écoute un peu ! Je m’en vais vous
narrer, cher ami, le premier (et pour le moment unique) conciliabule intime que
j’ai entretenu avec votre tendre et chère épouse. Pauv’ pomme !
Il avait pas été trop
difficile de convaincre María Asunción, la femme de Belami, de venir chez moi.
Je lui avais tout simplement demandé d’accepter de me prêter main forte pour un
article sur la prostitution en milieu carcéral, ajoutant que son style
inimitable et ses évidentes qualités humaines résoudraient sans aucune peine
les difficultés dans lesquelles j’étais en train de me noyer. C’était creux et
con comme entrée en matière, mais très efficace. Le lendemain, à quinze heures
pétantes, elle sonnait à ma porte.
- Comme c’est aimable de
vous être dérangée, on aurait tout aussi bien pu se retrouver à la rédaction de
la revue, je vous suis très reconnaissant de m’avoir fait une petite place dans
votre emploi du temps que je sais des plus serrés.
- Mais non, voyons, cher
monsieur Monluc, quand il s’agit du bien de la revue, vous savez que je suis
toujours prête à payer de ma personne !
Et elle pensait pas si bien
dire, la frigide de mes deux ! J’avais quand même fait un effort, tout
était en ordre, j’avais même passé la serpillière, j’avais l’impression d’habiter
chez un autre ! D’ailleurs, l’espèce de rhétorique dégoulinante que je
venais de lui servir était aussi d’un autre, mais il fallait ce qu’il fallait,
et c’était pas le moment de flancher, au contraire ! Je sais plus comment
l’idée m’était venue de lui régaler une partie d’extrémité bitale (oui, je
sais, c’est la deuxième fois, mais, d’abord, je fais comme ça me chante, et
pis, ensuite, ça fait toujours marrer mon pote Néné dont je parlerai plus tard,
alors faites pas chier !), peut-être tout bêtement pour m’amuser et pour
envoyer paître cet indécrottable de Belami qui disait, quand on lui demandait
des nouvelles de sa femme : Mon épouse a encore ses horribles maux de tête,
notre vie de couple en souffre un peu ! Bon, par bravade sans doute, et
puis tout le monde devrait savoir que les femmes frigides, ça n’existe pas,
sauf pour les têtes de nœud qui ne savent pas utiliser le leur !
María Asunción avait mis à
peine cinq minutes pour lire mon texte, pour me dire que je m’en étais très
bien sorti et me demander pourquoi je pouvais penser que son aide me serait
d’une quelconque utilité. Fallait attaquer, pas se laisser impressionner,
attaquer sec ! que je me disais. Je lui ai fichu directement la main sur
le cul.
- Monsieur Monluc, voyons,
vous vous égarez !
- Il faut que je vous avoue
un secret.
- Oh, on ne m’a jamais fait
un tel affront !
Elle n’en enlevait pas pour
autant ma main qui lui pétrissait l’arrière-train. Attends, ma frigide, tu vas
voir encore plein d’autres choses qu’on t’a jamais faites, ça va faire sauter
tes maux de tête au plafond !
- Laissez-moi vous dire
combien je vous trouve séduisante, vous êtes une femme, une vraie femme, comme
on n’en fait plus, et puis, je suis sûr que vous savez que vous me plaisez, et
depuis longtemps !
- Voyons, Charles, je suis
une femme mariée, une femme honnête, une femme fidèle, laissez-moi !
C’était gagné, je le savais,
il suffisait de conclure l’intro par un petit roulement de tambour. Je lui ai
soulevé la jupe, j’ai mis ma main sur sa chatte et lui ai fourré ma langue dans
la bouche. Elle essayait de parler, mais avec ma langue, c’était pas facile,
évidemment ! J’ai remonté complètement sa jupe, j’ai baissé sa petite
culotte (de dentelle fine, quand même !) et ai introduit un doigt (le
majeur, je crois). Une fois ma langue sortie de sa bouche, la seule chose
qu’elle a été capable de dire a été : Oh, Charles ! Alors, en
avant, à poil, puis langue-clito, puis tout le tintouin, sauf le cul, là elle
était réticente, tant pis, le reste. Ça faisait longtemps que je me démenais
pas comme ça, et elle en redemandait l’isalope frigide de mes deux ! Des
Oh !, des Ah !, des Oui !, et puis,
des Oui-oh-oui-ah-oui !, et enfin, des Charles !, Oh
Charles !, Quel coquin vous êtes ! Coquin ? Moi ? Coquin,
quand même, où elle était allée chercher ça, coquin, moi ! Après, quelques
petits Ohlala ! essoufflés. Elle s’est recoiffée, petite culotte,
soutien-gorge, pull, jupe, chaussures, et puis :
- Charles, vous avez du
style !
- Trop aimable, Madame, à
votre disposition.
- Charles, dites-moi,
j’espère que...
- Ne vous inquiétez de rien,
une tombe, croyez-moi.
- Merci.
- Y a pas de quoi. Vous
pouvez compter sur moi.
Elle est repartie comme elle
était venue, enfin presque, pour l’allure, pas de changement, pour le reste, ce
qui se voit pas à l’œil nu, la chatte ébouriffée. On sait jamais, que je me
disais, des fois que j’aurais besoin d’une petite promotion ! Mais ça
serait pas du chantage, non !, ça c’est dégueulasse !, non, plutôt un
échange de bons procédés et puis, si elle insistait, je pourrais lui refiler
quelques tours supplémentaires de manivelle à plaisir !
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