mardi 28 août 2012

Chap. 17 : Où ça commence en couille et se termine en chatte.



C’est con, mais la scène avec Hildegarde m’avait un peu remué. J’avais du mal à me remettre au boulot. Il fallait impérativement que je me détende. Je me suis préparé un Cointreau ananas, j’ai pris une cigarette et, allongé sur le canapé, j’ai commencé à écouter Le Dialogue des Carmélites de Poulenc, ça s’imposait ! Sœur Jeanne de la Divine Enfance, Sœur Blanche de l’Agonie du Christ, Sœur Marie de l’Incarnation, Sœur Anne de la Croix... Nous sommes de pauvres filles rassemblées pour prier Dieu. Méfions-nous de tout ce qui pourrait nous détourner de la prière, méfions-nous même du martyre. La prière est un devoir, le martyre est une récompense, puis le vœu du martyre pour mériter le maintien du Carmel et le salut de la Patrie, troisième acte... Ben voyons, ça devait arriver, ce putain de téléphone, et juste à la fin, et merde ! Merde et merde et putain de merde !
 

- Tu mérites pas qu’on t’aime !
- Hrosvitha ? Qu’est-ce qui se passe ?
- La maison donnait juste sur la mer.
- Hrosvitha !
- De toute façon, le perdant, c’est toi.
- Ça va ?
- Je te trouve tellement ridicule !
- Et pourquoi ?
- T’es pas James Dean, tu sais !
- Et alors ?
- Tu crois peut-être que tu es le seul homme sur terre à pouvoir... Ridicule, tu es ridicule, et en plus, elle est toute petite !
- Faut quand même pas exagérer !
- J’avais jamais vu les étoiles comme ça...
- Hrosvitha, tu peux me dire ce qui se passe ?
- Des capotes vertes et bleues !
- Je crois que je vais raccrocher, Hrosvitha !
- Jamais personne ne t’aimera comme je t’ai aimé, jamais !
- Tu vas pas recommencer !
- Et tes petites salopes...
- Isalopes, s’il te plaît, je te l’ai déjà dit, mais qu’est-ce qu’elles viennent faire là-dedans ?
- Tu comprendras jamais rien ! Tu leur donnes ce que tu n’as jamais voulu me donner. Et moi ? Hein ! J’ai pas le droit qu’on m’aime ?
- Bien sûr que si !
- Je pensais à toi, tes caleçons à fleurs...
- Je porte pas de caleçons, tu débloques ou quoi ?
- Tu finiras tout seul, seul comme un vieux rat mort, tout rabougri, plus personne, hop, le vide, place libre, place vacante, un nom sur une sonnette... Ah !Ah !Ah !
- Tu commences à m’emmerder, à la fin ! T’es bourrée ou quoi ?
- Juste des petites crottes de lapin !
- Et merde !
 
Cette fois-ci, c’est moi qui avais raccroché. J’en avais marre et marre qu’elle m’emmerde comme ça, Hrosvitha ! Demain, demain sans faute, je l’appelle, je lui dis qu’elle est vraiment trop conne, vraiment trop chiante ! En définitive, elle me fatiguait, elle était nuisible, elle voulait pas jouer le jeu. Le jeu ? Et merde, encore un de ces coups de cafard qui revenait ! C’était très très con, mais je me suis senti d’un coup comme un vieux, un vieillard qui contemple la chiennerie du passage des jours, des années, de ce qui coule comme si on se pissait dessus, et rien à faire, on continue à se pisser dessus. Ma vie ? Je savais plus très bien si j’avais une vie, ni même ce que c’était que la vie. J’avais seulement des moments de fierté lors desquels je me disais des mots comme intensité et fugacité. Je pensais que, pour que tout continue à fonctionner, fallait que les culs entrent et sortent de mon pieu, c’était tout, et Hrosvitha s’était incrustée depuis déjà trop longtemps dans ma vie, ma vie... Tout compte fait, je crois que j’aurais pu faire un petit peu plus de place à Hrosvitha, mais jamais j’aurais réussi à l’aimer comme elle aurait voulu que je le fasse. On aurait passé notre temps à s’engueuler, sûr. C’est mieux comme ça, qu’elle sorte, qu’elle se largue, qu’elle se trouve un mec qui la tringle, et qu’elle arrête de me faire chier.
 
La soirée avait été d’un chiant ! Un peu de Wagner, un peu de Merleau-Ponty, un peu beaucoup de Cointreau. Je me sentais K.O., vide, creux, seul et nul. D’habitude, j’aimais être seul, j’avais même besoin de solitude. Il m’arrivait d’avoir des journées tellement chargées que ça me faisait du bien de rester comme un con pendant deux jours, tout seul, j’écoutais de la musique, je lisais, je travaillais pour cette putain de revue, je me posais pas trop de questions. Mais là, non, ça me faisait chier d’être moi, d’être moi à ce moment-là, seul, comme un putain de vieux con. Dans ces cas-là, ce que je faisais c’était d’aller me bourrer la gueule au Love and Peace, un bar pas trop loin de chez moi, tenu par des frénétiques de la libéralisation des drogues douces. Dedans, tout le monde fumait, fumait et planait, et moi je m’enfilais Cointreau sur Cointreau en écoutant vaguement la rumeur de Joan Baez, Canned Heat, Jefferson Airplane, Butterfield Blues Band, Mountain. Quand j’avais ma dose, y avait toujours quelqu’un qui m’aidait à rentrer chez moi. Y me fallait au moins deux jours pour émerger. Mais là, non, j’avais pas envie de foutre en l’air deux jours, et puis, j’avais deux rendez-vous le lendemain, et puis, je préfère généralement ne pas me débiner devant ce genre d’engagement à la con, et puis, j’étais pas loin d’avoir ma dose. J’avais même pas envie de dormir, et merde !
 
On a sonné à la porte. Je crois que j’étais presque content. Ça aurait pu être Hrosvitha, on se serait engueulé, mais j’aurais préféré ça à l’état plutôt couillon dans lequel j’étais. Je pouvais pas en croire mes yeux : Héloïse ! Et merde, la vie, quand même ! T’as pas l’air en grande forme ! qu’elle m’a dit. Ben non, j’étais pas en grande forme ! Elle est entrée, s’est installée sur le canapé.
 
- Tu te souviens ? qu’elle m’a demandé.
- De quoi ?
- La première fois, avec Hildegarde.
- Ouais, tu parles si je me souviens !
- Tu m’as drôlement fait jouir ce jour-là !
- Pas mal, ouais.
- Tu me sers un verre ?
- Bien sûr.
- Je t’ai pas téléphoné avant, j’avais envie de te faire une surprise.
- T’as réussi.
- T’as l’air bizarre !
- T’as quel âge ? que je lui ai dit, je savais pas trop pourquoi, mais à ce moment-là fallait que je sache son âge et puis je sentais bien que le Cointreau me brouillait un peu la cervelle.
- C’est important ?
- Sais pas.
- Dix-neuf ans, deux mois, sept jours. Pourquoi tu veux savoir ça ?
- Pour savoir si je vais voir ou pas les flics rappliquer.
- Et toi ?
- Quarante-quatre.
- Tu pourrais être mon père !
- Ça me ferait drôlement chier d’avoir une fille comme toi !
- C’est pas aimable, ça !
- Une fille, comme toi, t’es trop belle !
- Trop belle ?
- Y a tellement de cinglés qui traînent dans tous les coins !
- Et toi, t’es un cinglé ?
- Faut voir. Pourquoi t’es venue ici ?
- J’en avais envie, fallait pas ?
 
Plus on parlait, plus je me sentais con, stupidement con, con et con, un putain de con qui était en train de tout foutre en l’air ! Pour une fois que j’avais une putain d’isalope sublime devant moi, une putain d’isalope qui voulait se faire baiser et rien de plus, fallait que je fasse le con avec mes questions à la con, j’étais décidément plus con que con ! C’est vrai que c’était une putain de beauté sublime, mais elle était presque trop pour moi, trop belle, trop parfaite, trop comme je les aimais, trop... Putain, comme elle me plaisait !
 
- Charles !
- Ouais.
- T’as pas envie qu’on se voie ?
- Comment ?
- Tu veux plus que je vienne te voir ?
- Tu déconnes ou quoi ?
- T’es sûr ?
- Sûr.
- Tu sais, moi, j’étais venue pour te dire que j’aimerais qu’on se voie plus souvent.
- Ça marche.
- Vrai ?
- Ouais.
 
Elle m’a sauté au cou, m’a pris par la main et m’a emmené vers le lit, elle m’a balancé dessus, elle est partie mettre de la musique, Turandot, à fond, les voisins ont commencé à donner des coups de balais dans le plafond, On s’en fout ! Ouais, on s’en fout ! Elle s’est foutue à poil avec une putain de lenteur, un strip-tease sur Puccini, la classe, quoi ! J’ai commencé à bander. Putain ce cul ! Putain de jambes ! Putain de nichons ! Elle est montée sur le lit, elle était debout, au-dessus de mes yeux, elle a défait les deux rosettes qui maintenaient sa petite culotte, putain cette chatte ! J’ai juste eu un petit moment d’angoisse, je me suis demandé si elle allait pas me pisser dessus ou un truc du genre, non, heureusement ! Elle montait et descendait son putain de cul, et, dans une de ses descentes vertigineuses, elle a commencé à me toucher le visage avec son cul, avec sa chatte, je lui donnais des petits coups de langue au passage. Elle a décidé de me sucer un peu, après quelques coups d’aller-retour, elle a relevé sa bouche, c’est parti directement dans ses cheveux. Et merde ! Putain de merde, quel con, quel putain de con bourré !
 
- Ça t’a plu ? qu’elle me demande.
- Un peu rapide, peut-être, désolé !
- T’inquiète pas, lèche-moi maintenant !
 
Je lui ai bouffé la chatte pendant dix bonnes minutes. Elle causait, elle commentait : Oui, comme ça, plus haut, plus bas, plus doucement, plus fort, plus vite, avec la langue, oui comme ça, aspire-moi ! Elle a joui et est venue tout contre moi. Ses cheveux sentaient le foutre. Elle m’a dit : Mets-moi un doigt dans le con, j’aime dormir comme ça ! Je me suis endormi tout de suite, une masse flasque complètement abrutie par le Cointreau et la chatte de cette putain d’isalope sublime d’Héloïse, d’Héloïse...
 
Le lendemain matin, elle m’a dit : Ce soir, je termine un peu plus tard, on fait l’inventaire, je passe après ? Oui. Salut. Salut. Putain d’isalope sublime d’Héloïse ! Ça c’était une femme ! Je me sentais beaucoup moins con que la veille, la cervelle en compote, mais beaucoup moins con. Héloïse était là, j’avais retrouvé une vie, que je me disais. Fallait que je téléphone à cette isalope de Hrosvitha, ça allait être désagréable, je le savais, mais fallait que je lui dise que... je savais pas trop ce que j’allais lui dire, d’ailleurs.
 
- Hrosvitha, c’est Charles.
- Bonjour.
- Je t’appelle pour...
- Te fatigue pas, va, je sais ce que tu vas me dire, le plus facile est que tu ne dises rien, rien, absolument rien !
- Écoute !
- Tu n’as pas à te justifier. À moi de me débrouiller avec l’amour que j’ai pour toi !
- J’aurais voulu quand même...
- Non, adieu, sois heureux avec tes salopes !
- Isa...
- Oui, je sais, isalopes. Adieu.
 
Ben merde alors, comme ça, aussi facile que ça ! Y avait pas à dire, Hrosvitha avait de la classe ! Je me sentais presque fringuant, sauf le mal de crâne qui cognait et cognait. J’ai pris une douche froide, putain, comme elle était froide la flotte ! Je me suis regardé dans la glace. J’avais une gueule usée, des poches sous les yeux et puis aussi quelques kilos en trop, mais dans l’ensemble, ça tenait encore la route. J’ai regardé ma queue : Me lâche pas maintenant ! que je lui ai dit. Je me disais que ça serait pas trop mal si je dormais un peu plus et si j’allais faire quelques séances de gymnastique. Mouais. Je pensais à Héloïse, à cette putain d’isalope sublime d’Héloïse ! Héloïse...

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